Vladimir Poutine était hier en visite officielle en France pour assister à l’inauguration du salon du Bourget aux côtés de Nicolas Sarkozy. Les Jeunes Ecologistes l’attendaient de pied ferme pour dénoncer un projet d’autoroute en Russie. Ce chantier conduit par le Français Vinci signe l’arrêt de mort de l’une des plus belles forêts du monde, la forêt de Khimki, le poumon de Moscou. StreetGeneration était sur place.
Lundi 20 juin, 18 heures 30, quartier des Halles. Au pied de la fontaine des Innocents, les militants écologistes sont là. Pas de cris, pas de chants, pas de slogans, un rassemblement pacifique. La plupart des présents appartiennent au mouvement «Jeunes Ecologistes», certains viennent du NPA, d’autres sont de simples protestataires. Mais ils sont tous là pour dénoncer une chose : la construction d’une autoroute dans la forêt de Khimki. Ce site, grand comme deux fois le bois de Boulogne, est le poumon de l’agglomération de Moscou. Mais le gouvernement russe veut relier la capitale à l’aéroport internationale, qui se trouve de l’autre côté de la forêt. Et chacun connait les logiques économiques de ce style : plutôt que de contourner l’espace vert, ce qui aurait été, de plus, (paradoxalement, c’est plus direct et plus rapide), l’autoroute traverse la forêt de part en part. Une véritable saignée
C’est tout un écosystème qui sera entièrement détruit et le paysage dévasté. Derrière tout ça : une société française, Vinci. les Jeunes Ecologistes dénoncent carrément des pratiques financières douteuses. Ils évoquent notamment des investisseurs libanais côté français, et chypriotes côté russe qu’ils qualifient de « carrément louches ». Bref, Vladimir Poutine soutient à 100% cette initiative. Nicolas Sarkozy ne s’est pas prononcé officiellement mais on ne doute pas de son point de vue en cette période de crise…Quant à Christine Lagarde, les militants écologistes ont publié un communiqué lors de l’annonce de sa candidature à la tête du FMI pour dénoncer son action en faveur de ce projet,
Cette route à grande vitesse serait la première payante en Russie, et par conséquent les enjeux économiques sont colossaux. Il ne s’agit pas que d’une autoroute, en fait. De nombreux investisseurs veulent construire des hôtels de luxe, des centres commerciaux et des complexes touristiques de ce nouvel axe routier, dans la forêt de Khimki. Où le prix du mètre carré s’envole. En un mot comme en cent, c’est la fin de la forêt. Et absolument personne avec les Ecolos n’en parle. Or il est possible de faire pression sur Vinci puisque son siège est en France.
Pourtant, un sondage effectué à Moscou montre que 76% de la population est contre. A l’échelle nationale, c’est 66% des Russes qui soutiennent la poignée de militants écologistes français. Car, là bas, de nombreuses associations se sont crées, et notamment la «Save Khimki Forest movement», dont le numéro deux, Yaroslav Nikitenko, était présent à Paris hier soir. Ce fervent défenseur de la forêt de Khimki se bat depuis plus de quatre ans et ne baisse pas les bras. Pourtant, il est la cible de violentes attaques et de menaces. Même des journalistes ont été pris à parti, agressés par des inconnus après avoir couvert le sujet. L’un d’entre eux, Mikhaïl Beketov, est aujourd’hui mutilé.
A Paris, lorsque les jeunes écolos interpellent les passants, la plupart ne sont pas au courant de cette histoire. Un atelier de peinture, pour redessiner la forêt du nord de Moscou, a été brièvement mis sur pieds. Les intéressés pouvaient aussi laisser leurs coordonnées pour être tenu au courant de l’avancée de la lutte ou laisser des messages vidéos, destinés aux autorités russes. Manière de prouver que la mobilisation peut dépasser les frontières.
By Thibault Dinouël, Street Generation, 21 juin 2011